LA TRIBUNE LIVRADAISE

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Hue Coquette !

Hue Coquette !

 

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" Chéri " logeait au rez de chaussée de la tour dans la salle qui servit de prison sous la Révolution Française

 

 

" Aux heures sombres de notre histoire, il fallut bien continuer de procéder à l’enlèvement des ordures mais on dut alors remplacer la traction animale par la force humaine. On fit appel à un vieux célibataire à la voix perchée qui vivait seul au pied de la tour et répondait au joli nom de « Chéri ». Je ne compris que bien plus tard l’origine de ce sobriquet... Toutes les opérations étaient placées sous le commandement du sieur Basile qui faisait avancer le convoi et le faisait stopper devant chaque poubelle pour déverser son contenu dans le tombereau. Puis il intimait l’ordre de redémarrer et Chéri repartait en trottinant. Plus tard, en des jours meilleurs, Chéri fut remplacé par « Coquette », la jument que Basile avait pu acquérir car sa tâche était lourde, l’enterrement des morts de la commune s’ajoutant à la collecte des déchets. Les missions de Coquette étaient donc multiples mais cette jument baie était robuste, vaillante et bien nourrie, ayant à sa disposition une grande écurie ouvrant sur la place d’armes et de l’autre côté rue Baronne.

Coquette était bien dressée et savait tenir son rôle en toutes circonstances. Elle opérait dans le plus simple appareil, attelée à un tombereau pour le ramassage des ordures, commençant sa tournée par la rue Nationale depuis le faubourg Gardette. Elle avançait d’un pas lent et il n’était pas besoin de la commander pour qu’elle marque son premier arrêt devant le café de Raphaël, le temps de laisser son maître et son adjoint boire un canon pour se donner du cœur à l’ouvrage. «Allez... Hue Coquette ! » et elle repartait pour s’arrêter de nouveau, au bout de quelques pas devant chez Laplaine qui n’aurait pas compris d’être ignoré des employés communaux et les accueillait chaleureusement pour leur offrir un verre dans son restaurant. La pause était de courte durée et Basile faisait redémarrer l’attelage avec sa formule magique : « Allez... Hue Coquette ! » Et le travail pouvait reprendre, poubelle après poubelle, jusqu’au prochain stop devant le Café de France. Quelques chenapans du quartier avaient repéré le manège et s’étant approprié le code de la jument essayaient de la faire repartir pendant que son maître se désaltérait. En vain, car la brave bête n’obtempérait qu’aux injonctions de son maître.

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Basile et sa fidèle "Coquette"

 

 

Coquette savait aussi parfaitement reconnaître l’objet de sa mission et, lorsqu’elle était préposée à un enterrement, harnachée comme il se devait avec plumet et pompons noirs et argent, tirant son corbillard aussi bien décoré, elle ne marquait jamais le pas devant les bistrots de la ville. Elle savait que le convoi ne s’arrêterait qu’à l’église et au cimetière et que le bistrot ce serait pour après les obsèques, lorsqu’elle aurait retrouvé la quiétude de son écurie !

 

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Le café  Le France, l'un des nombreux arrêts de "Coquette"

 

Certains pourront s’offusquer d’apprendre que le même homme et la même bête étaient ainsi affectés, en changeant l’équipage, à une tâche aussi noble que des funérailles et à la basse corvée de débarrasser notre village de ses ordures. C’est pourtant un choix qui avait été fait depuis longtemps. Le romancier Pierre Gascar décrit en effet dans « La Graine », roman qui retrace son enfance à Sainte-Livrade dans les années vingt, la façon dont se déroulaient alors les enterrements. Il écrit : « Les morts, depuis cette petite ville paysanne, il fallait souvent aller les chercher loin. Quand nous partions, le soleil était déjà haut. C’était l’homme de la voirie qui tenait les  rênes. Il délaissait, ces matins-là, les ordures. Il parlait peu. Le curé s’asseyait près de lui [...] Lorsque nous arrivions à la maison du mort, le curé s’était endormi. Les jurons du cocher qui poussait les chevaux dans un chemin de terre le réveillaient. Nous débouchions dans une cour brûlée de soleil où nous attendaient des hommes endimanchés de noir ». Ce roman de Pierre Gascar est à lire. Il donne de nombreux renseignements sur la vie à Sainte-Livrade il y a un peu moins de cent ans et décrit des lieux qu’on peut encore aisément reconnaître. "

 

C.D.



17/06/2016
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