LA TRIBUNE LIVRADAISE

LA TRIBUNE LIVRADAISE

Le facteur sonne toujours deux fois… Et mange comme quatre !

Le facteur sonne toujours deux fois…

Et mange comme quatre !

 

 

Au bon vieux temps des PTT, le facteur était une figure emblématique de notre république. Au village, c’était un ami, un conseiller, un confident et parfois même plus, une sorte de guérisseur de l’âme et des cœurs. On lui confiait les  soucis du quotidien et même quelques petits secrets : il faisait presque partie de la famille. Que n’allait-on pas imaginer d’ailleurs ?

 

 

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Notre bureau de Poste

 

Dans l’après-guerre immédiat, au commencement des trente glorieuses, notre brave facteur, le héros de ce récit, avait la réputation d’avoir un solide coup de fourchette, ce dont témoignait un sérieux embonpoint. Mais il avait des obligations car il n’était pas rare qu’il soit invité chez quelque paysan pour partager le repas de midi. Les occasions étaient fort nombreuses, particulièrement au moment d’évènements festifs tels que les moissons, les vendanges, sans oublier bien sûr la traditionnelle cuisine du cochon élevé et sacrifié dans chaque ferme : « Facteur, on tue le cochon demain, vous  resterez bien manger à midi ! ». Le pauvre homme était ainsi confronté à des périodes de l’année fort chargées qui exigeaient de sa part, pour ne mécontenter personne, une organisation rigoureuse de son emploi du temps et de ses circuits. C’est pour cette raison qu’il gardait toujours à portée de main un petit calepin sur lequel était consciencieusement noté chaque rendez-vous. Mais tous ces efforts de rationalisation ne l’empêchaient pas de se trouver parfois dans des situations qui éprouvaient son sens de l’abnégation.

 

 

 

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Notre facteur dans la rue des Pénitents

 

 

Un jour, arrivant dans une ferme vers la fin de sa tournée, midi ayant déjà sonné au clocher du village voisin, il se trouva chez un couple de fermiers occupé depuis l’aube à faire la cuisine des canards gras. Il fut immédiatement invité à partager le repas de midi : «  Facteur, vous n’allez pas partir sans goûter nos grattons  et quelques demoiselles ! »  lui lança l’époux d’un ton jovial. Il était difficile pour notre homme de lettres de se soustraire à pareille invitation. Il se mit aussitôt à table et, poussé par un féroce appétit, il se servit ensuite, à la surprise générale, un quartier entier de canard qu’il dégusta  jusqu’à ne plus rien laisser dans son assiette. Puis il reprit sa tournée pour apporter le journal à une dernière famille tout au bout d’un chemin de terre. A son arrivée, les paysans, qui rentraient de faire les semailles dans un champ éloigné de leur ferme, apostrophèrent le préposé des postes : « Vous aussi, vous terminez bien tard… Il ne vous reste plus qu’à manger un morceau avec nous ! » Aussitôt dit, aussitôt fait et  revoilà notre cher homme  attablé pour un deuxième service !

A quelque temps de là, deux voisines qui s’étaient mises à papoter et échangeaient ainsi les derniers potins du pays découvrirent à leur très grande surprise qu’elles avaient récemment reçu  le facteur à leur table un même jour pour le repas de midi ! Un tel appétit méritait vraiment le respect de tous !

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L’hôtel de France, « annexe » du facteur.

 

Le vendredi, jour du marché, imposait une organisation particulière. Notre homme ne partait pas en tournée comme il en avait l’habitude les autres jours de la semaine. Après avoir effectué au bureau de poste les travaux préparatoires de tri général, coupage et piquage, il quittait la poste, sa sacoche de courrier lourdement chargée sur l’épaule, en direction du café « Le France » où il prenait ses quartiers pour la matinée. Confortablement attablé au fond de la salle, il attendait la grande majorité de ses clients venus «  faire le marché » qui ne manquaient pas de passer au France retirer leur courrier. Pour les rares personnes qui ne venaient pas chercher leurs lettres, il disait en souriant : « Comme tout bon boulanger il faut garder un peu de levain pour le lendemain ! » Les plus matinaux ne manquaient pas de lui offrir le café ou quelque viennoiserie et, vers le milieu de la matinée, c’était la pause casse-croûte avec ballon de rouge, avant de s’acheminer tout doucement vers midi où l’on passait aux choses sérieuses : apéritif, copieuse assiette composée, fromage et tarte aux pommes.  Les discussions, le café et le pousse-café amenaient au milieu de l’après-midi où il était l’heure de lever le camp et de retourner au bercail rendre les comptes à Mme la Receveuse. Après cette rude journée, il était temps de rentrer chez soi, heureusement tout près de la poste au fond de la rue Malfourat faire une petite sieste réparatrice… En attendant l’heure du dîner.

 

                                                                                                                                             C&R



27/04/2016
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